Je suis né le 17 février 1936 dans une
famille juive, émigrée de Pologne.
Mon père est venu en France fin 1930 pour fuir l'antisémitisme polonais
et la crise économique. Il est arrivé à Nancy et à commencé à travailler comme tailleur d'habits. Ma mère est venue le rejoindre
en 1931.
Je suppose qu'ils vécurent heureux jusqu'à la guerre; ma grand-mère maternelle était venue en France fin
1938 pour aider ma mère lors de la naissance de mon frère en janvier 1939.
Au moment de la déclaration de la guerre
mon père s'est engagé dans l'armée française; il a combattu dans la légion étrangère, étant polonais. Il a dû bien se comporter,
il a eu la médaille du combattant et a été cité à l'ordre de son régiment. IL fût fait prisonnier.
Nous fûmes évacués
sur Toulouse par les autorités françaises. Mon père s'est évadé et nous a rejoint. Après Toulouse nous avons élu résidence,
à quinze kilomètres, à Bruguières où mon père a été pris par un gendarme français pour être amené pour le travail obligatoire,
près de Marseille; de là il fut amené à Drancy et déporté le 15 mai 1944 par le convoi 73.
MASSIP, PERIODE DE DEC.42 A AOUT 43.
Suite aux rafles dans la région, ma mère a voulu nous
cacher, et grâce à un réseau de Monseigneur nous nous sommes retrouvés, mon frère,
des cousins et moi dans l'institution religieuse dirigée
par mesdames Bergon et Roques (Justes français). Il s'agissait
alors d'une école religieuse qui enseignait exclusivement aux filles. Nous fûmes les premiers garçons à y rentrer.
La
vie n'y était pas facile mais c'était la guerre et nous étions en sécurité. Les directrices
faisaient tout pour que nous y soyons le mieux possible. Nous allions à la messe, étudions le cathéchisme; il fallait être
comme les autres enfants. Mais nous n'avons jamais communiqué notre identité.
CARMAUX, PERIODE D'AVRIL 44 A AOUT 44.
Mon père est pris pour le travail obligatoire en septembre 1943. Ma mère, seule, se débrouille tant bien
que mal pour nous faire vivre, nous quatre, elle, les enfants et sa mère. Comment mon frère et moi nous sommes à Carmaux,
je ne sais pas; Nous sommes cachés dans une famille de résistants grâce au réseau du pasteur Paul
Haering et sa femme (Justes français). Pour ne pas nous faire remarquer, nous allons tous les dimanches
à la messe au temple protestant de Carmaux.
Au moment des vacances scolaires nous avons campé sur les terres du château
de Lautrec (appartenant à la famille Toulouse-Lautrec). La vie y était plus facile qu'en ville.
Août 44, la région étant libérée, ma mère est
venue nous chercher. Mon père a disparu en déportation. Nous avons attendu son retour un certain temps à Bruguières et ensuite
nous sommes retournés à Nancy. La vie n'y fut pas facile mais nous nous en sommes sortis.
C'est maintenant que je
mesure tous les dangers que des inconnus ont pris pour nous sauver la vie et en
faisant prendre ces risques à leur famille.
Je leur en serai reconnaissant jusqu'à la fin de mes jours pour m'avoir
permis de fonder une famille et de connaître les joies familliales.
Jacques Klajnerman
Metz, le 29 novembre 2005
|